Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/306

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

remplissait de joie. Elle ne doutait pas de ramener M. de Louvois à de meilleurs sentiments à l’égard de Belle-Rose, d’obtenir, non pas sa grâce, puisqu’il n’était pas coupable, mais sa justification, et tout le long de la route elle se créa mille chimères dorées qui lui rappelaient les enfantines espérances dont elle s’était si souvent enivrée dans le parc de Malzonvilliers. Quand elle entra dans son hôtel de la rue de l’Oseille, Claudine, qui l’attendait pleine d’impatience, la voyant radieuse, se jeta dans ses bras. Les deux amies s’embrassèrent, les yeux tout mouillés de douces larmes, et ce furent toute la nuit d’interminables conversations, toutes peuplées de châteaux en Espagne. On se bâtissait de petites retraites cachées au fond de Malzonvilliers ; on voulait ensuite la gloire et le renom pour Belle-Rose ; il rentrait en France, gagnait la faveur du roi, arrivait aux plus hauts grades militaires, et conduisait l’armée à la gloire. Cornélius n’était pas un homme à ne rien gagner dans cette moisson splendide ; il avait sa bonne part dans tout cela ; puis, quand il était monté au plus haut de l’échelle ambitieuse, on redescendait bien vite afin de se reconstruire la petite maisonnette au fond des bois où l’on était tout bonnement heureux. C’étaient alors des battements de mains, des cris de joie et des larmes de bonheur à croire que les deux amies allaient devenir folles. Le matin les surprit comme elles étaient encore occupées à mêler ces doux rêves, quand tout à coup le lourd marteau de la porte tomba sur le bouton de fer. Les deux amies tressaillirent et se pressèrent l’une contre l’autre, toutes tremblantes déjà. Un laquais vint avertir Mme d’Albergotti qu’un officier de la maison de M. de Louvois était en bas, qui demandait à lui parler. Suzanne et Claudine pâlirent, Claudine surtout, pour qui le nom du ministre était comme le symbole de la puissance inexorable et de la vengeance opiniâtre. Mais Suzanne lui pressa la main.