Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/336

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– Toute seule, vous si jeune ?

– Mon frère est blessé, malade, souffrant, puis-je l’abandonner ? Suzanne est seule aussi, mais elle, du moins, n’est pas en danger de mort. J’irai au plus malheureux.

– Je ne sais pas trop comment vous offrir cela, moi, reprit Grippard, mais il me semble que vous feriez bien si vous me permettiez de vous accompagner. J’ai été caporal dans la compagnie de votre frère. C’est tout simple.

– J’accepte, lui dit-elle ; nous partirons demain.

M. de Louvois n’avait pas plutôt appris la nouvelle de la mort supposée de Belle-Rose, qu’il fit appeler M. de Pomereux, de qui la mission avait été retardée.

– Notre homme est mort ! lui cria-t-il du plus loin qu’il le vit.

– Tircis Belle-Rose ? fit le comte de sa voix railleuse.

– Lui-même. Voilà, j’imagine, qui aplanit furieusement les difficultés. Que Mme d’Albergotti vous épouse, et je suis assez vengé.

– Merci, beau cousin ; vous ne l’êtes point encore tout à fait.

– Quoi ! c’est vous qui doutez maintenant ?

– À vrai dire, monseigneur, je ne suis point très rassuré de ce côté-là. Quand les femmes se mêlent de fidélité, elles sont fidèles jusqu’à l’extravagance. Les morts ont toutes sortes d’avantages : ce sont des personnes tranquilles qui ne contrarient jamais. Elle l’aimait vivant, elle va l’adorer défunt.

– Voyons, monsieur le comte, renoncez-vous à Mme d’Albergotti ? Ce serait tant pis pour elle, je vous en préviens, et pour vous aussi, qui manqueriez une belle fortune.

– Et qui vous dit qu’on renonce à quoi que ce soit ? Je fais comme ces généraux qui comptent l’ennemi avant de livrer bataille, et qui se battent après.

– S’il en est ainsi, rendez-vous sur-le-champ au couvent