Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/391

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– Tant de mal pour se mettre ce vilain habit-là sur le dos, qui l’eût cru !

– Ça m’a coûté trente bouteilles des meilleurs crus d’Argenteuil, assaisonnées de mensonges et de jambons.

– Ah ! tu mens aussi ?

– Quelquefois, dit Grippard d’un air modeste. C’est un joli défaut qui sert parfois mieux que de belles qualités.

– C’est juste, répondit la Déroute avec philosophie.

– Et c’est là seulement ce qui m’a fait réussir.

– Conte-moi cela.

– Oh ! c’est fort simple. À notre premier déjeuner, il m’a montré un petit bout de sa haine contre Belle-Rose ; ça m’a fait réfléchir. Au second déjeuner, il m’a juré sur sa parole que si mon capitaine était capitaine, c’était par l’effet de mille scélératesses.

– Le gueux ! s’écria la Déroute en appliquant un furieux coup de poing sur la table.

– Au troisième déjeuner, reprit Grippard, il m’a fait serment de tuer Belle-Rose.

– On verra qui mourra le premier, murmura la Déroute en tourmentant la poignée de sa rapière.

– Au quatrième déjeuner, continua le narrateur, une idée magnifique m’a tout à coup illuminé : je lui ai fait confidence, entre six bouteilles vides et deux verres pleins, que je haïssais Belle-Rose à la mort. Bouletord a failli m’embrasser. Je lui ai conté une histoire terrible d’où mon capitaine est sorti noir comme de l’encre. Il n’y a pas tenu et m’a sauté au cou. « Maréchal, lui ai-je dit, enrôlez-moi dans votre escouade, et nous le tuerons de compagnie. » Bouletord était fort attendri ; il m’a serré la main, en jurant sur son âme que j’étais un galant homme. J’ai signé un vilain papier qu’il a tiré de sa poche, et me voilà depuis trois heures archer du roi.

– Eh ! eh ! ce n’est pas si bête ! s’écria la Déroute.

– On a quelquefois l’air sans avoir la chanson, répondit