Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/422

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parti, et s’accroupit dans un coin. Il tira de sa poche un briquet, alluma un bout d’amadou, le glissa sous un tas de copeaux et se mit à souffler de tous ses poumons ; deux minutes après, une flamme vive s’élança du milieu du foyer ; la Déroute poussa du pied quelques planches, renversa deux ou trois bottes de paille et sortit gravement en tirant la porte sur lui. Il n’était pas au bout de l’avenue que la fumée sortait par toutes les issues ; le pétillement du feu se mêlait au craquement des baraques. Quand il se retourna, il vit un jet de flammes s’élancer du toit calciné ; la porte se fendit, l’air s’engouffra dans le bâtiment, et l’incendie serpenta le long des hangars. La Déroute se mit à courir de toutes ses forces vers le couvent en criant à tue-tête :

– Au feu ! au feu !

Jérôme, qui l’entendit le premier, perdit la tête et cria plus fort sans remuer non plus qu’une borne. Les religieuses se rendaient aux offices au moment où l’incendie éclata ; l’une d’elles vit une étrange clarté luire par les vitraux, une autre s’arrêta, la mère Scholastique mit le nez à la fenêtre et reconnut le feu.

– Bénédiction de Dieu ! le couvent brûle, s’écria-t-elle.

À ce cri, le troupeau des nonnes se débanda, la tourière ouvrit la porte, et ce fut un tumulte épouvantable. Claudine, qui avait l’esprit tout plein des paroles de la Déroute, devina tout de suite son intention en le voyant courir sur la terrasse d’un air effaré. Elle s’élança vers la cellule de Suzanne, prit sa sœur par la main, et, s’étant enveloppée le visage d’un voile, descendit l’escalier. Mais on n’avait garde de les reconnaître ; toutes les religieuses parlaient à la fois : celles-ci pleuraient, celles-là criaient ; chacune d’elles appelait du secours et donnait son avis. Tout le monde allait et venait, et l’on ne faisait rien. Les domestiques du couvent, surpris par la violence du feu, regardaient les flammes