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Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/428

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l’effet qu’il avait produit, si la maréchaussée avait voulu voir ce que c’était que le service du roi, comment aurions-nous fait ?

– Les loups ne se mangent pas entre eux ; regarde ton habit.

– Tiens, c’est vrai ! s’écria l’ex-caporal.

Après le pont Neuf, on prit les quais et on gagna l’hôtel de ville. La nuit était profonde ; les boutiquiers avaient fermé leurs volets, les bourgeois se hâtaient de rentrer chez eux. Au bruit de cette course précipitée, quelques bonnes vieilles mettaient parfois le nez à la fenêtre, et voyant, dans l’ombre, des cavaliers emportant en croupe des femmes dont les longs voiles flottaient au vent, elles se disaient que c’était quelque dame de la cour qui se faisait enlever avec sa camériste, et gémissaient sur la perversité du siècle. On arriva à la rue Saint-Denis ; les groupes d’artisans qui rentraient du travail s’écartaient du passage des fugitifs ; mais au moment de toucher à la porte Saint-Denis, un officier de fortune, qui chevauchait suivi de quatre ou cinq drôles armés d’épées et de mousquetons, vint à leur rencontre. C’était une espèce de sacripant, qui portait les moustaches en croc, une balafre au travers du visage, une grande rapière au côté et une cotte de peau de buffle sur le dos avec une longue plume rouge à son feutre gris.

– Eh ! eh ! dit-il, ce sont des filles qu’on enlève, j’en veux.

Cornélius mit la main à la garde de son épée, mais la Déroute était déjà entre le sacripant et l’Irlandais. Il lui paraissait que l’homme au plumet rouge avait trop dîné.

– Laissez, dit-il à Cornélius en passant, ce n’est point votre affaire.

Et il court vers l’officier de fortune, le chapeau bas.

– Mon gentilhomme, il me semble que vous avez parlé, qu’y a-t-il pour votre service ?