Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/454

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– Je me croyais bien forte, lui dit-elle, et voilà que votre seule présence a remué toutes les cendres de mon cœur. C’est une épreuve sans doute que Dieu a voulu me ménager ; il m’a secourue, il me secourra.

Le cœur de Belle-Rose lui sautait dans la poitrine ; il détourna les yeux et regarda par la fenêtre les champs et l’horizon pour ne pas laisser voir à Geneviève son émotion.

– Et d’ailleurs, Jacques, pourquoi ne pleurais-je pas devant vous ? reprit-elle ; il y a des heures où les larmes sont agréables à Dieu ; il me semble que la souffrance est plus féconde que la prière, et j’ai tant souffert que je commence à croire que je suis pardonnée.

Vaincu par ces paroles, Belle-Rose prit la main de Geneviève et la porta contre son cœur ; ses yeux étaient tout remplis de larmes, et il ne se cacha plus pour lui laisser voir qu’il pleurait.

– Vous aussi ! dit-elle ; ainsi je vous suis chère encore ! Me parlerez-vous comme un frère parle à sa sœur ? Tenez, Jacques ! j’ai consacré toute ma vie et toute mon âme à Dieu, et cependant il ne se passe pas de jour que je ne l’invoque pour vous. Quand votre nom vient sur mes lèvres, je l’accueille comme un nom béni, et il ne me semble pas que je fasse mal en le mêlant à mes prières.

Jacques contemplait Mme de Châteaufort en silence ; elle ne lui était jamais apparue sous cet aspect, où la tendresse se confondait avec la piété, et en même temps que son âme palpitait à la voix de Geneviève, il éprouvait pour elle un respect plus profond.

– Oh ! dit-elle avec un doux sourire, je ne suis plus la même femme ; la duchesse pleine de superbe et de dédain a fait place à la plus humble des religieuses ; il me semble que ma vie d’autrefois est un rêve dont il ne m’est resté qu’un souvenir ; j’ai noyé tout le reste sous le repentir. Vous le dirai-je, mon ami ? j’ai voulu me rendre digne d’avoir été aimée ; le Christ, qui a