Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/470

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Cornélius et Claudine de leur tendresse ; mais il arrivait parfois que les mains de Suzanne et de Belle-Rose se séparaient, que leurs têtes, inclinées l’une vers l’autre, se fuyaient, que le mot d’amour bégayé par leurs lèvres s’éteignait tout à coup. C’était lorsque dans l’ombre des allées ils voyaient passer la grave et silencieuse Geneviève, blanche comme l’ivoire, avec ses yeux tout pleins de flammes. Elle était bonne et souriante pour eux et venait souvent s’asseoir à leur côté durant de longues heures ; mais chaque fois qu’elle partait, il semblait à Suzanne qu’elle était plus pâle et plus triste. Suzanne eût tout donné, hormis Belle-Rose, pour lui rendre le repos. Sa délicatesse allait jusqu’à éviter toute parole ou toute action qui aurait pu réveiller la douleur toujours vivante dans ce cœur blessé ; elle s’en faisait une étude, et Geneviève, qui la devinait, l’embrassait au front en la nommant sa fille. Cette tristesse était dans la vie de Suzanne et de Belle-Rose comme une épine dans un bouquet fleuri ; mais ils s’efforçaient d’en adoucir l’amertume, et parfois ils amenaient un sourire sur le visage de la pauvre désolée. Un jour, Suzanne se suspendit en rougissant au cou de Belle-Rose et lui dit tout bas à l’oreille quelques mots qui firent tressaillir le soldat. Belle-Rose la prit dans ses bras et bénit Dieu, les lèvres collées au front de sa femme. Ce jour-là, Mme de Châteaufort vit les jeunes époux, et surprit le doux secret qui mettait un lien nouveau autour de leur vie. À l’aspect du bonheur qui rayonnait sur leur visage, elle frémit de la tête aux pieds.

– Que Dieu vous bénisse dans votre maternité ! dit-elle à Suzanne, les mains levées sur son front, et elle s’éloigna le cœur gros de larmes.

Quand Belle-Rose la vit si morne et si désolée, une voix intérieure lui reprocha son inaction. Un instant le bonheur lui avait fait oublier le devoir. Il comprit ce qui lui restait à faire, et il se résolut de l’accomplir sur-