Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/473

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que moi je n’ai jamais pu parler qu’aux canons et aux chevaux.

– N’importe ! un seul peut réussir là où deux échoueraient ; tu resteras.

– Il suffit ; vous êtes un égoïste qui gardez tous les périls pour vous.

Le lendemain l’évêque de Mantes arriva dans les murs de l’abbaye ; les jours de visites pastorales étaient des jours de fête pour toute la communauté ; les pauvres des villages voisins accouraient de bonne heure autour des portes, où l’on faisait des distributions d’aumônes ; les malades se faisaient transporter sur le passage du saint homme qui les bénissait ; il baptisait les petits enfants, confessait les nonnes, et tous les notables du pays venaient lui présenter leurs compliments en le priant d’appeler les bénédictions du ciel sur les moissons ou sur les semailles, selon le temps. La multitude qui encombrait la chapelle de l’abbaye et tous les environs rendait la surveillance bien difficile. Pour quiconque eût voulu quitter le couvent, seul et mêlé à la foule, il y avait peu de risque à courir ; mêlé à la suite de l’évêque, il n’y en avait plus. La Déroute ne manqua pas d’attirer au logis des réfugiés le cocher qui avait un si grand faible pour les histoires militaires.

– Il y a là-haut, lui dit-il, un gros pâté de venaison et du vin d’Orléans qui vous attendent : si l’appétit vous est venu au grand air, nous déjeunerons ensemble, et, tout en démolissant le pâté, je vous conterai le siège d’Arras, par M. de Turenne.

Le cocher confia ses chevaux au premier valet qui se trouva sous sa main, et courut s’enfermer avec la Déroute. Le pâté fut décoiffé, on déboucha les bouteilles, et dès les premières rasades le récit commença. Tandis que la Déroute traitait le cocher, Grippard, qui avait ses instructions, traitait un piqueur. Quant à Belle-Rose, il écrivait une lettre à Suzanne. Vers le soir on prépara