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Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/510

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marine : Rochefort, Le Havre, Dunkerque et Toulon. Tout était prêt pour la guerre, la France avait la main sur la garde de son épée. Cependant la Hollande, confiante dans ses lagunes et dans ses digues, laissait tomber en ruine ses places fortes démantelées ; le parti des républicains rigides l’emportait ; les deux frères de Witt et le grand Ruyter, qui ne voyaient qu’une île dans la Hollande, gouvernaient, et ne songeant qu’à la mer, dédaignaient l’armée, composée au plus de vingt-cinq mille mauvais soldats. À toute heure des régiments français s’acheminaient vers les places frontières où l’incendie allait s’allumer. Arras, Béthune, Le Quesnoy, Landrecies, Maubeuge, Saint-Pol, Saint-Omer étaient encombrées de troupes. Des milliers de gentilshommes accouraient de tous les points de la France, jaloux de faire leurs premières armes sous un prince qui pouvait dire : L’État, c’est moi. Quelque chose de tous ces bruits arrivait aux oreilles de Belle-Rose, que le sentiment de son inaction écrasait ; il demandait partout et en toute occasion des détails sur les préparatifs qui donnaient au royaume l’apparence d’une grande ruche guerrière. M. de Pomereux, qui le visitait parfois dans sa retraite, lui racontait tout ce qu’on disait à Versailles et à Chantilly des projets du roi ; il lui parlait des camps qui s’asseyaient aux bords de la Sambre et de l’enivrement qui gagnait de proche en proche la chaumière et le château. L’enthousiasme était partout. Chaque jour augmentait la fièvre qui consumait Belle-Rose. Dans le silence de ses rêveries, il se demandait s’il était destiné à vieillir et à mourir dans l’obscurité d’une abbaye, s’il ne devait pas compte de sa jeunesse et de sa vie à la France, si l’épée que M. de Nancrais lui avait passée à la ceinture était condamnée à rester au fourreau, et s’il ne valait pas mieux être tué tout d’un coup que d’attendre patiemment des jours oisifs et l’oubli. Dans la position que lui avaient faite les événements, le repos le perdait.