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Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/75

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– Suzanne s’est mariée ! répondit Jacques.

M. d’Assonville lui prit la main et la serra.

– Pauvre Belle-Rose ! tu l’aimais, toi ! Ce devait être ainsi. Maintenant, tu souffres et tu es seul ! Moi, voilà six ans que je pleure.

Belle-Rose, à son tour, pressa la main de M. d’Assonville.

– Tu as le cœur noble et loyal, et tu vas t’aviser de mettre toute ta vie sur la parole d’une femme ! reprit le capitaine. Cela devait être, vois-tu. Je le sais bien, moi. Quand on prend une maîtresse au hasard, et qu’on la quitte comme on perd une pistole au lansquenet, ces choses-là n’arrivent jamais. Il n’y a que les fous qui aiment, et nous sommes de ces fous-là. Je ne te dirai pas de secouer ta souffrance comme on secoue au vent la poussière du chemin, mais tu es homme et tu es soldat. Roidis-toi contre le mal et attends ; si tu en meurs, il faut mourir debout.

– Oui, capitaine, répondit Belle-Rose d’une voix ferme ; et passant ses mains dans ses longs cheveux bouclés, il rejeta sa tête en arrière.

M. d’Assonville sourit.

– Tu es un brave et courageux garçon. Si tu en avais fantaisie, vingt femmes te vengeraient de ton infidèle.

Belle-Rose secoua la tête.

– À ton aise. Cependant, prends-y garde ; tu es trop triste pour qu’elles ne tentent pas de te consoler ; si tu les évites, elles te chercheront.

M. d’Assonville reprit sa promenade dans la chambre. Chaque fois qu’il passait devant Belle-Rose, il le regardait, et à chaque tour il le regardait plus longtemps. Enfin il s’arrêta devant lui.

– Veux-tu me rendre un service, Belle-Rose ? lui dit-il.

– Je suis à vous corps et âme.

– Feras-tu ce que je te dirai, tout ?

– Tout.