Page:Achard - Envers et contre tous, Lévy frères, 1874.djvu/127

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Une chose cependant chiffonnait Carquefou. Il ne put s’empêcher de s’en ouvrir à Magnus.

— Il y avait là-bas des passages noirs où le diable lui-même n’a jamais mis les pieds, lui dit-il, des pierres mouvantes et des portes secrètes qu’un sorcier ne découvrirait pas… Quel heureux hasard vous a appris à les connaître ?

— Ami Carquefou, Magnus a été jeune, il y a longtemps de cela, répondit le reître ; à cette époque j’étais écuyer dans la compagnie d’un baron qui chassait sur les terres du châtelain de Rabennest. Le châtelain à la chasse ou en voyage, le baron rendait visite au château. Or, la dame de Rabennest avait une suivante fraîche et jolie… Pauvre Catinka ! qu’est-elle devenue ? Où passait le baron l’écuyer passait à son tour. Comprends-tu maintenant ?

— Je comprends.

On courut jusqu’au soir sans débrider ; le mouvement et le grand air faisaient d’heure en heure retrouver aux muscles des deux gentilshommes cette force et cette élasticité qui si longtemps leur avaient été habituelles.

À la nuit tombante, quinze lieues au moins les séparaient de Mathéus. La direction qu’ils avaient suivie les rapprochait des provinces où le poids des armes suédoises se faisait sentir ; on n’avait plus grand-chose à redouter du maître de Rabennest.

— Il faudrait peut-être savoir ce qu’est devenu le roi Gustave-Adolphe, dit alors Armand-Louis.

Chemin faisant, ils avaient rencontré des chaumières en ruines et des hameaux en cendres ; çà et là, des moissons hachées par le passage de la cavalerie, des arbres coupés, des vergers détruits, des coins de terre fraîchement remués, et, dans les fossés, des cadavres de chevaux à demi rongés. Il était clair que de nombreuses troupes de gens de guerre s’étaient heurtées dans ces campagnes. Il ne fallait pas s’exposer