Page:Achard - Envers et contre tous, Lévy frères, 1874.djvu/145

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peu de jours, était dans tout l’éclat de son printemps ; mais elle était femme déjà par l’esprit, et aucun détail de cette nuit ne lui avait échappé. Quel plus éclatant triomphe pour sa jeune vanité ! Mais, ramenée par les événements vers ce souvenir d’un jour, quelle indignation n’éprouvait-elle pas contre elle-même, d’avoir cédé à l’amour que lui inspirait un pauvre gentilhomme, presque un aventurier, lorsque d’un signe elle eût pu voir tomber à ses pieds le maître de l’Allemagne ! Désespérée et toute saignante encore des blessures qu’il avait faites à un cœur étonné de s’être donné, Mme d’Igomer voulut savoir si sa beauté rayonnante exercerait encore sur Wallenstein le charme et la séduction qui devaient servir ses desseins nouveaux.

Dès son arrivée à Prague, son premier soin fut de lui rendre visite.

Avec quel art ne sut-elle pas l’aborder ! Comme elle s’inclina sur la main puissante que le duc lui tendait. Avec quelles inflexions de voix douces et suppliantes ne lui apprit-elle pas qu’elle était veuve, isolée, presque sans défense ! Au milieu de l’abandon qui l’entourait, désolée comme une fauvette dont le nid vient d’être emporté par l’orage, elle s’était souvenue de l’illustre et tout-puissant Wallenstein, l’orgueil de l’Allemagne. Le guerrier terrible et magnanime lui avait parlé avec bonté autrefois, elle s’en était souvenue, et son premier élan l’avait poussée vers lui. De cruelles inimitiés la poursuivaient ; elle avait laissé bien des rancunes à la cour du roi de Suède, où de tristes jours l’avaient enchaînée ; mais si sa présence pouvait susciter quelque danger contre l’homme que tout l’empire admirait, elle était prête à fuir et à dérober les dernières années qui lui restaient à vivre dans l’ombre glacée d’un couvent.

Deux larmes tombaient de ses yeux et roulaient comme des perles sur ses joues roses. Wallenstein la releva.