Page:Achard - Envers et contre tous, Lévy frères, 1874.djvu/239

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conduisait à l’appartement de Patricio. Elle en franchit le seuil d’un bond, traversa la chambre et ouvrit le balcon.

Patricio l’y suivit les bras tendus. La bohémienne était horriblement pâle. Ses yeux étincelants venaient de parcourir la forêt sombre et pleine de silence, les glacis, les fossés au bord desquels on apercevait vaguement des formes confuses et pareilles à des troncs d’arbres renversés, la tour basse où tremblait la flamme d’une lampe ; elle se pencha sur la balustrade, et l’on entendit au pied du mur le tintement d’un morceau de métal tombant sur un caillou.

— Qu’est-ce ? dit Patricio Bempo.

— Le cercle d’or que j’avais au bras et qui vient de m’échapper ! répondit Yerta.

Patricio l’entoura de ses bras et voulut l’entraîner hors du balcon. Yerta le retint doucement auprès d’elle :

— Non ! dit-elle ; il fait bon ici !

Et d’une voix qui tremblait, la tête appuyée sur l’épaule de Patricio, elle se mit à chanter :

J’aime ! dit le noir phalène
À l’haleine
Qui pleure autour des roseaux.
J’aime ! dit le flot superbe
Au brin d’herbe
Qui palpite au fond des eaux.

La brise légère emporta le son dans l’espace ; la lumière s’agita derrière l’étroite fenêtre de la tour, et Yerta, que Patricio contemplait avec enivrement, continua :

J’aime ! dit le vent qui passe
À l’espace
Où brille le grand soleil.