Page:Achard - Envers et contre tous, Lévy frères, 1874.djvu/244

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— À moi ! cria le gouverneur d’une voix étranglée.

Mais le son passa comme un souffle, et bientôt immobile, entouré de liens que tous ses efforts ne réunissaient pas à briser, bâillonné et le cou pris dans une corde, dont Carquefou tenait l’extrémité, Mathéus ne représentait plus, gisant par terre, qu’une masse inerte semblable au cadavre d’un soldat qu’on va jeter dans sa bière.

Armand-Louis et Renaud étaient devant lui ; mais il ne les reconnaissait pas. La présence d’Adrienne et de Diane lui faisait seule soupçonner à qui appartenaient les visages muets qu’il voyait confusément dans l’ombre.

— Je t’avais dit que je te pendrais, dit enfin Renaud ; et tu sais bien que je tiens toujours ce que je promets.

Mathéus frissonna. On vit les veines de son cou se gonfler, sa face passer du blanc au rouge sombre ; tout son corps s’agita d’un mouvement convulsif, et ses muscles se tordre dans un effort suprême ; puis ses yeux injectés de sang se fermèrent, et il resta immobile comme le corps d’un homme dont la vie s’est subitement retirée.

Renaud fit un signe de la main, et Carquefou chargea Mathéus sur ses épaules. La galerie fut traversée, le couloir atteint, et le cortège passa silencieusement sous la poterne. Rudiger, qui les attendait, n’avait rien vu, rien entendu.

— Tout va bien ! dit-il à Magnus.

De gros nuages cachaient la lune en ce moment ; on voyait à peine devant soi le rideau noir de la forêt noyée dans la nuit. Cependant un cri s’éleva de l’échauguette accrochée à l’angle du mur comme l’aire d’un aigle au flanc d’un rocher.

— Dux et imperator ! s’écria M. de la Guerche en répondant au qui-vive de la sentinelle.

Mathéus Orlscopp, qui avait ouvert les yeux, les referma.

Une minute après, l’enceinte des fossés et des glacis était franchie.