Page:Achard - Envers et contre tous, Lévy frères, 1874.djvu/261

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M. de Collonges, que cette journée jetait dans le ravissement, s’étonnait d’une si grande hâte.

— Monsieur, répondit Magnus, vous ne connaissez pas l’homme à qui nous avons affaire. Il sera sur notre piste avant ce soir, comme un loup qui a flairé l’odeur du sang.

On quitta le village, auquel une centaine de morts et de mourants faisaient une ceinture, et l’on poussa rapidement du côté du nord.

Malgré les pertes qu’il avait subies, l’escadron était animé d’une ardeur joyeuse qui semblait trouver un aliment plus vif dans la pensée du danger qui le pressait de toutes parts. Les ennemis pouvaient surgir à chaque instant de tous les points de l’horizon.

Les souvenirs de l’antiquité classique se mêlaient dans leur esprit aux souvenirs héroïques de la chevalerie.

— Où sont les Arabes ? où sont les Sarrasins ? disait M. d’Aigrefeuille, qui pensait aux sombres templiers errant dans les solitudes mornes de la Palestine.

— Qui chantera au retour la retraite des trois cents, comme autrefois le vieux Xénophon la retraite des dix mille ? ajoutait M. de Saint-Paer.

Et tous souhaitaient la bataille au sortir d’une bataille.

Bien qu’habituées l’une et l’autre à ces scènes de violence et à tous ces hasards terribles de la guerre, Mlle de Souvigny et Mlle de Pardaillan ne pouvaient se défendre d’une vive et profonde émotion à la pensée de tant de périls bravés pour elles, et d’un si noble dévouement. Au milieu de ces hardis dragons, elles étaient comme dans une famille de frères ; il n’y avait dans tous les rangs qu’un cœur et qu’une volonté. Ceux-là mêmes qui ne les avaient jamais vues tenaient à honneur de les sauver.

— Vous serez tirées du pays des Philistins, nous l’avons juré, disaient les vieux calvinistes.