Page:Achard - Envers et contre tous, Lévy frères, 1874.djvu/302

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tira une longue bourse de sa poche et voulut la glisser dans la main du garde ; mais, dès les premiers mots, le sombre catholique l’arrêta.

— Vous ne me devez rien, dit-il ; j’ai pensé à une femme et point à vous ; Dieu m’est témoin que si vous aviez été seul, j’aurais laissé le village s’abîmer sous ses ruines avant de rien tenter pour votre salut.

Asa passa la main dans ses cheveux mouillés par l’humidité du marais, et, promenant ses regards sur les cavaliers :

— Une chose m’étonne, c’est d’avoir pu, moi Asa Herr, tirer du feu des soldats qui servent sous les couleurs suédoises ; puissent les os de mes fils me le pardonner ! Adieu, maintenant !

Il saisit la main de Mlle de Souvigny, la porta respectueusement à ses lèvres et rentra d’un bond dans le marais.

Au bout d’une minute, sa silhouette noire s’était effacée dans la nuit.

Armand-Louis se rapprocha d’Adrienne.

— Votre bonté a plus fait pour notre salut que notre courage, dit-il.

Et il poussa d’un pas résolu dans le sentier que lui avait indiqué Asa.

Le lever du jour les surprit devant la croix de pierre, à l’intersection des deux routes. Aussi loin que la vue pouvait s’étendre, on n’apercevait ni cavaliers ni fantassins.

— Messieurs, dit gaiement M. de Collonges, nous voici comme Ulysse quand il se fut échappé de l’antre de Polyphème. Galopons un peu pour nous réchauffer.

Tandis qu’ils poussaient vers le nord, Jean de Werth ordonnait à ses batteries de recommencer leurs feux.

Logés dans les enclos et les vergers, ses mousquetaires attendaient la riposte des protestants. Étonné de ne rien voir