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XXIX

LA LOUVE ET LE LOUP

Mme d’Igomer avait elle-même reconnu en maints endroits les traces nombreuses imprimées par les chevaux sur le rivage du marais. Elle en cherchait les empreintes sous l’eau, et les voyait disparaître çà et là au milieu d’un lit d’herbe que le vent faisait moutonner. Son regard anxieux interrogeait l’horizon. Ceux qu’elle poursuivait d’une haine infatigable avaient-ils réussi à franchir cette barrière réputée infranchissable, ou dormaient-ils sous la surface plombée de ces eaux immobiles ? L’espace ne lui répondait pas, elle n’entendait que les cris plaintifs des courlis qui battaient de l’aile autour des joncs. Mille sentiments divers s’agitaient alors dans son cœur : c’était un mélange de joie âcre et violente et de profonde douleur. Celui qui l’avait trahie et qu’elle avait aimé ne venait-il pas de payer de la vie son abandon ? Quelle mort dans les eaux sinistres d’un marais, et comme sa vengeance l’avait bien servie ! Mais le dernier regard de Renaud avait sans doute rencontré celui de Diane, leurs mains s’étaient mariées dans une étreinte suprême, la mort les unissait, et rien à présent ne les séparerait plus. Puis, tout à coup, la pensée que peut-être ils étaient parvenus à gagner la rive opposée lui traversait