Page:Achard - Envers et contre tous, Lévy frères, 1874.djvu/352

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— Oui, madame, cet homme vit, dit-il ; mais par l’âme de celui qui ne m’entend plus, je vous jure que Gustave-Adolphe sera vengé !

Magnus, passant rapidement la main sur ses yeux :

— À l’œuvre donc ! dit-il. À présent que nous savons où est le corps du roi, laissons-le pour une heure à cette place. Vous, madame, allez prier sous l’ombre de ces arbres déchirés par la mitraille. Vous êtes une femme, on peut vous voir et vous entendre sans concevoir aucun soupçon. Combien de veuves et de mères qui pleureront ce soir !… Vous, monsieur de Saint-Paer, mettez-vous en embuscade, là-bas, derrière ce pan de mur, qui vous permet de tout observer sans être remarqué.

— Que prétends-tu faire ? dit Armand-Louis.

— Nous sommes en chasse ; tendons le piège où le tigre doit être pris.

— Ah ! je comprends. Mais s’il ne vient pas ?

— S’il ne vient pas ? Savez-vous un coin de l’Allemagne que la pointe de Baliverne ne puisse pas fouiller ? Mais, rassurez-vous… le tigre a flairé l’odeur du sang ; il voudra voir si sa victime est morte.

— Bien, Magnus, bien ! Moi, je vais attendre là, à l’abri de ce bouquet de sapins, et vingt dragons feront un cercle dans la plaine pour qu’il ne puisse approcher sans être aperçu, et tenter de fuir sans être pris.

— Pas un mot surtout, pas un mouvement ; il y a partout des quartiers de rochers, des troncs d’arbres rompus, des chaumières en ruine, des remparts de cadavres… que ce soient autant de retraites où vous restiez ensevelis ; mais, quand vous me verrez debout, l’épée au poing, criant : « Gustave-Aldolphe ! » alors levez-vous tous !

— Et alors à moi de le tuer ! s’écria M. de la Guerche.