Page:Achard - Envers et contre tous, Lévy frères, 1874.djvu/356

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— Adieu la gloire ! adieu la terre ! dit-il.

Une pâleur mortelle s’étendit sur son front ; la croix rouge parut faiblement à l’angle interne des sourcils ; alors, tournant vers M. de Chaufontaine ses yeux où les flammes de la vie s’éteignaient :

— Je vous ai toujours connu un homme de guerre brave et généreux, dit-il ; en mémoire des jours où nos épées se sont heurtées, laissez mes cuirassiers m’ensevelir avec ces deux souvenirs d’ici-bas.

— Que votre volonté soit faite ! dit Renaud.

— À présent, que Dieu m’appelle : je suis prêt ! s’écria le grand maréchal.

Et bientôt, les deux mains étendues sur le collier de la Toison d’or et la garde de son épée, il rendit l’âme.

— Oui, c’était un soldat ! murmura M. de Chaufontaine.

— Dieu m’accorde une pareille mort ! répondit M. de Collonges, qui s’était agenouillé.

Tandis que ces choses se passaient dans l’humble maison où le hasard de la bataille avait jeté mourant l’un des meilleurs hommes de guerre du XVIIe siècle, Armand-Louis, Magnus et M. de Saint-Paer attendaient sur le champ funèbre de Lutzen.

Le silence était profond ; quelque souffle de vent passait dans les arbres comme une plainte ; la lune, immobile dans un ciel pur, éclairait la plaine, où dormait une foule glacée.

Parfois un cheval blessé relevait la tête et poussait un long hennissement, puis tout se taisait.

La nuit était déjà avancée ; Armand-Louis commençait à croire que le capitaine Jacobus ne viendrait pas. En ce moment, le vieux Magnus, qui errait sur la lisière du champ de bataille, aperçut un homme qui marchait lentement et regardait autour de lui. Sa haute taille jetait une ombre sur la terre ; il tenait une épée nue à la main.