Page:Achard - Envers et contre tous, Lévy frères, 1874.djvu/79

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Et il s’efforça de faire remarquer à Magnus que mille courants d’air rendaient l’écurie un lieu malsain, où les courbatures et les rhumatismes semblaient pleuvoir du milieu des toiles d’araignée.

— Les fenêtres sont brisées et les portes mal closes, ajouta-t-il en finissant.

— C’est précisément pour cela, répondit Magnus ; je ne veux pas que mes chevaux s’enrhument.

Maître Innocent n’insista plus. Le visage de Magnus lui indiquait que c’était un de ces hommes têtus qui tiennent à leurs idées comme un chêne à ses racines.

— Diable ! diable ! murmura l’aubergiste en s’éloignant, il est heureux que les maîtres n’aient pas la même opinion touchant le respect qu’on doit aux chevaux.

Vers le milieu de la nuit, la dernière chandelle s’éteignit dans la cuisine de l’auberge ; le silence se fit partout, interrompu seulement par le bruit sourd des chevaux qui s’ébrouaient ou mâchaient la provende répandue dans les auges.

En ce moment une porte s’ouvrit doucement dans le corridor, et un moine sortit à pas sourds de sa chambre. Sa robe entrouverte laissait voir une casaque de peau serrée à la taille par une ceinture d’où saillissait le pommeau de fer d’une lourde épée. Maître Innocent parut presque aussitôt au sommet de l’escalier, tenant à la main une lanterne opaque dont la lumière filtrait à volonté par une ouverture étroite dont un ressort faisait jouer la charnière.

Le moine se dirigea vers la chambre d’Armand-Louis, l’aubergiste vers celle de Renaud, et tous deux penchèrent l’oreille au trou de la serrure. Une respiration profonde, égale, presque insensible, les avertit que les deux cavaliers dormaient.