Page:Achard - Envers et contre tous, Lévy frères, 1874.djvu/99

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La chose finie, Renaud se mit à chanter ; il ne lui semblait pas qu’il eût perdu sa journée.

M. de la Guerche ne trouvait pas dans son caractère les mêmes sujets de distraction ; sa pensée n’avait qu’un objet : Mlle de Souvigny, toujours Mlle de Souvigny. Où était-elle en ce moment ? M. de Pappenheim n’oubliait-il pas la promesse faite au milieu des massacres et de l’incendie de Magdebourg ? Reverrait-il Adrienne un jour, et surtout la retrouverait-il aimante et fidèle ? Et le brave Magnus, qu’était-il devenu ? Ne l’avait-on pas tué ? Vivant, s’acharnerait-il à sauver son maître, ainsi qu’il l’avait fait une première fois ?

— Ah ! quand de tels cœurs vous appartiennent, l’espoir est toujours permis ! dit-il.

Cependant les jours succédaient aux jours ; toujours le même silence, interrompu par les rafales du vent dans les sapins, et les chansons de Renaud ; quand M. de la Guerche se suspendait aux barreaux des lucarnes, aucun cavalier ne se montrait sous l’ombre noire des forêts. Les heures se faisaient longues et pesantes ; chaque jour, à midi précis, Mathéus Orlscopp entrait dans son cachot, regardait sur la table, et, ne voyant rien, se retirait sans parler.

Armand-Louis remarqua bientôt que la maigre pitance qu’on lui servait à heures fixes pour son déjeuner et son dîner diminuait insensiblement ; la croûte de pain se faisait plus petite, le plat contenait moins de viande. Ce fut le régime d’un convalescent appliqué à un homme valide, la nourriture d’un enfant servie à un soldat.

Il en fit l’observation, Mathéus sourit.

— Il y a eu des cas de fièvre causés dans la garnison par la trop grande chère, dit-il.

Armand-Louis dédaigna de se plaindre désormais.

Le lendemain, il fit le dîner d’un anachorète.