Page:Achim von Arnim - Contes bizarres, Lévy frères, 1856.djvu/38

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chez laquelle toutes ces conditions se trouvassent réunies. Qui était plus innocent que Michel son père, lui qui avait sacrifié son existence pour son peuple, et qui avait vécu constamment dans la souffrance et le besoin ? Quelle jeune fille aurait eu le courage de sortir ainsi la nuit, si ce n’est Bella, qui depuis quatre ans, époque de la mort de sa mère, avait mené une existence cachée et nocturne, et qui était assez familière avec le cours de la lune et des étoiles pour trouver dans la nuit une consolation et une solitude animée ; quelle jeune fille avait comme elle un chien noir qu’elle détestât autant ? Car, depuis le jour où toute petite il l’avait mordue, elle ne pouvait le souffrir, maintenant même, que le chien lui obéissait avec un zèle exemplaire et veillait toujours sur elle, tout cela d’un air singulier, qui faisait dire à Michel qu’il y avait quelque chose du diable dans ce chien. Quelle jeune fille avait une chevelure comme Bella, assez longue pour pouvoir en tresser une corde, et quelle jeune fille l’eût sacrifiée avec autant d’indifférence ? tandis qu’elle ne se savait pas belle, et se trouvait contente de ne plus avoir à peigner de si longs cheveux. Elle coupa donc cette chevelure, où les étoiles auraient pu venir se jouer comme dans celle de Bérénice ; d’un coup de ciseau elle les fit tomber à ses