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TRISTAN BERNARD

d’inoubliables figures, et je vous adore, car vous seul peut-être avez pu embrasser et peindre la vie dans toute sa complexité et sous tous ses aspects, et je vous dois mes émotions les plus précieuses et mes jouissances les plus rares. Que suis-je en face de vous ? Un disciple aimant et fidèle et de quelque valeur sans doute, mais un disciple, et vos éloges ne sont que politesses d’un homme bien élevé en visite.

M. Bernard baissa le menton, et, comme si de telles paroles eussent le don d’évocation, des ombres légères, frissonnantes, peuplèrent la chambre, voletant au plafond, s’accoudant à la cheminée ou tapies dans les fauteuils. Et c’étaient M. Pickwick, gras et content ; David Copperfield causant avec M. Micawber ; M. Pecksniff, l’hypocrite architecte ; Master Silas Wegg, l’homme à la jambe de bois, messager et commissionnaire près de Cavendish-Square ; et Dombey fils, le cher petit Dombey, qui mourut en comprenant la chanson merveilleuse des vagues. Il n’y avait, hélas ! ni Ruth, la mignonne Ruth qui cuisait de si bons