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ÉTIENNE GROSGLAUDE

d’existence que la tienne, et combien vide et vaine ! Avoir seulement rêvé, durant les jeunes années d’ambition, d’écrire comme un maire de village ou un capitaine de pompiers, et y avoir réussi avec un incomparable succès ! Quelle ironie pour un ironiste ! La littérature — ta littérature — te transforme en épicier. »

Alors il me sembla qu’un dieu inconnu et bienveillant prenait cette forme pour me parler et me sauver. Je me mis à trembler. Un long frisson me secoua tout entier. Je joignis les mains, et, comme au temps lointain où, tout petit garçon, je m’agenouillais le soir au pied de mon lit, une prière monta à mes lèvres :

« Ô créature étrange, qui que tu sois, dieu, animal ou fantôme, je te supplie de me conduire vers le but mystérieux que je rêve vainement. Tu as deviné la plaie secrète de mon âme, ne peux-tu pas aussi la guérir ? Oui, je veux agir, je veux vivre. Mais que faire pour agir, pour vivre ? je ne sais. Oh ! toi dont la parole est toute vérité, je remets mon sort