Page:Acker - Petites Confessions, sér1, éd3.djvu/82

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Maillot. Les seuls meubles en étaient une large et ventrue armoire provençale et une jardinière en cuivre gravé, où des chauves-souris s’appliquaient en cloisonnés. Qu’eût-on pu découvrir, en effet, de plus magnifique, pour l’orner, que les merveilleuses boiseries des portes et des lambris enlevées au château de l’ancêtre, le baron d’Artagnan ? À travers la fenêtre, on apercevait, à demi enterré dans le sol du jardin, le marbre fameux où se baignait, dit-on, à Versailles, la Montespan, et, un peu plus loin, à peine à quelques mètres, des femmes en culotte filaient, derrière les premiers arbres du Bois, sur leurs bicyclettes légères, contraste affligeant et propre à de philosophiques méditations.

Long et souple, la langue pendante entre les dents pointues, un lévrier blanc entra. « Voici le comte », dit avec un sourire M. de Yturri, et, en effet, comme je relevais la tête, M. de Montesquiou apparut. Serré dans une redingote de couleur sombre, les cheveux rejetés en arrière et découvrant tout le front, les moustaches très noires et relevées en boucles, il se tenait devant moi, droit et mince, les mains gantées d’une peau de Suède d’un jaune éteint et charmant. Tout en haut de la cravate étroite, une perle piquait sa blancheur de lait. Son absence ne l’avait point changé. Le lévrier tournait autour de lui en se plaignant ; il le flatta d’une caresse, et la bête docile s’étendit à terre sur une fourrure. La conversation, d’abord égarée vers des sujets divers et contingents, revint bientôt à l’Amérique, M. de Montesquiou, une main dégantée,