Page:Acker - Petites Confessions, sér1, éd3.djvu/86

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un public de 5 à 600 personnes, des femmes du monde, des artistes, des écrivains, des actrices, des prêtres. J’avais choisi celle que j’intitulais l’Histoire, et qui traite de Versailles. Versailles a été la préoccupation de toute ma vie, et les Américains ont pour cette ville silencieuse et triste une prédilection particulière. Du coup, je détruisis les plaisanteries qui couraient sur moi. Le romancier Crawford m’avait présenté à l’auditoire en termes que je crois justes. Je réussis à édifier des Dominicains et à plaire à des actrices : ce fut un succès. »

Charme délicieux du jour qui s’achève ! La grande salle aux boiseries merveilleuses s’assombrissait un peu, tout juste ce qu’il faut pour regretter la clarté qui agonise et savourer l’ombre qui doucement baigne les choses. Sous le ciel gris, une brise fraîche agitait les arbres du Bois, et, penchés sur leurs machines, la tête toute tendue en avant, les jambes tirées et remontées par un ridicule mouvement de bielle, des cyclistes glissaient, poussiéreux et le front en sueur. Cependant, fixé dans le même geste, M. de Montesquiou, étranger aux vanités du dehors, parlait, le gant froissé entre les doigts :

« Ma seconde conférence traita du Voyage. J’évoquais l’image de tous ceux que la nostalgie des pays lointains et des espaces dévorés par les courses hasardeuses avait troublés, et de ceux aussi dont la tendresse calme des lentes pérégrinations, à petites journées et au hasard de la fantaisie, avait ému le cœur : Heine, Vigny, Baudelaire, et