Page:Acker - Petites Confessions, sér1, éd3.djvu/88

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traits et de photographies et, sur des coussins de velours et de soie, sous l’abri des vitrines, des moulages reposaient. On eût dit une chapelle discrète et amoureuse, où un amant aurait réuni les chers souvenirs de celle qu’il adora et que la mort emporta. N’était-ce pas, d’ailleurs, la vérité ? Tout ici glorifiait celle qui avait été Mme  de Castiglione, la reine du second empire, qui, devenue vieille, interdit à la clarté du jour d’entrer dans sa demeure, afin qu’elle ne vît jamais ses rides ni ses cheveux blancs. Pieusement, M. de Montesquiou avait recueilli là tout ce qu’il avait pu découvrir et posséder d’elle-même. Nos yeux avides s’émurent devant les portraits, fidèles reproducteurs de sa beauté évanouie, et nos mains tremblantes saisirent les plâtres qui moulaient son bras long et frêle, ses pieds fins et délicats, les mules chatoyantes qui les avaient délassés de la fatigue, le collier qui avait caressé son cou, et les bagues qui avaient embrassé ses doigts. Nulle parole ne s’échappait de nos lèvres ; le silence seul pouvait exprimer l’étrange et profonde émotion qui nous envahissait devant cet autel qui était aussi un tombeau.