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CES DAMES AUX CHAPEAUX VERTS

renseigner. Et tout d’abord quel en est l’auteur ?…

Est-ce Telcide ? est-ce Rosalie ? est-ce Jeanne ? est-ce Marie ?

À cet égard, l’écriture est peu significative. Elle est petite, nette, régulière, très couchée. Pas une jeune fille, sortant d’un couvent, n’écrivait autrement jadis.

Et aucune signature !

— Bah ! se dit Arlette. Lisons. J’aurai vite fait de reconnaître celle de mes honorables cousines, qui fut assez romanesque pour confier ses secrets à ce vilain papier écolier…

Ceci est mon journal.


3 août.

Petit cahier, c’est à toi qu’aujourd’hui, jour de ma sortie de pension, je décide de confier mes impressions quotidiennes. L’honneur que je te réserve est grand. J’espère que tu l’apprécies. Puisses-tu demeurer toujours le plus discret de mes amis !


Je ne te cacherai rien… Si je te dis quelquefois des choses… des choses… Tant pis pour toi ! Tu ne les répéteras à personne…

Et tout d’abord je te préviens que je crois être une jeune fille de caractère.

J’ai dix-huit ans et j’ai décidé de réaliser, de gré ou de force, les projets admirables qu’au long des heures d’étude j’ai eu le temps d’élaborer sous l’œil indulgent de mes surveillantes.

Projets admirables ! ai-je écrit. Projets uniques !…

Sœur tourière, en m’ouvrant vos grilles, vous ne savez pas quel bel horizon vous avez ouvert devant moi.

Sœur Athanase, vous ignorez quel carillon de joie a sonné dans mon cœur, lorsqu’en agitant le trousseau de vos clefs, vous m’avez susurré : « Eh bien ! mon enfant, vous allez entrer dans le monde… »

Et vous, madame la Prieure, qui avez pleuré lorsque je vous ai adressé mes adieux, ne m’en veuillez pas si je n’ai pas mêlé mes larmes aux vôtres. Je ne suis pas une ingrate. Mais j’étais si heureuse ! Finies, les classes au tableau noir ! fini, le réfectoire avec la haute chaire ! fini, le dortoir avec la veilleuse tremblante ! fini, le parloir avec le tableau d’honneur !

Ah ! si mon père avait vécu, jamais on ne m’aurait mise en pension. Comme la plupart de mes camarades, j’aurais