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IRÈNE ET LES EUNUQUES

stratège tuteur, en brisant ta quenouille… Bien que tu te serves peu de la quenouille… Irène de Byzance, Irène d’Athènes !

Riant et se récriant tour à tour, l’impératrice simulait l’insolence, le dédain, la bienveillance moqueuse, l’arrogance clémente. Mais elle eût pleuré de rage, en dépit de son orgueil, parce que Bythométrès confirmait de la sorte ce qu’elle appréhendait. Certes, onze ans, elle avait omis, au milieu de ses brutales amours, le soin de servir son âme. Elle n’étonnait plus les évêques, ni les philosophes, ni les voyageurs par ses discours, lorsque, confiants dans une ancienne gloire, ils venaient entendre la merveilleuse Irène. Bien qu’ils lui décernassent leurs éloges de courtisans, elle ne se méprenait pas sur la valeur de ces panégyriques. Sa droiture dialecticienne la persuadait de ne pas démentir Jean. Mais son orgueil offensé par la leçon du moine le destinait aux supplices déjà. La honte même de l’heure où elle s’était, dans le jardin d’Athènes, offerte à lui, et où il l’avait repoussée en lui révélant la mutilation, cette honte de son adolescence étouffait la mère de Constantin, la veuve de Léon, la femme assouvie par tant de luxures asiatiques et grecques. Elle ne pardonnait point à l’eunuque de la connaître autant qu’elle se connaissait. Ce lui fut la pire injure, l’affirmation d’un asservissement éternel à cet homme, à ce maître. Et elle hésitait à faire le signe pour que Protargyre le sourd-muet appelât les fonctionnaires de garde, pour que