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IRÈNE ET LES EUNUQUES

les hanches. Ce furent les huées de vingt mille adversaires hargneux, l’avalanche des écorces, des crachats, des cailloux, des vieilles sandales, des fruits pourris et des fleurs fanées. Ensuite les condamnés durent rejoindre le convoi qui poussait Bythométrès, Eutychès et les gens assidus à l’École du Palais vers les couvents de déportation, dans les montagnes du Taurus. Sous la bure des moines, les eunuques cultivèrent les mélancolies de la défaite en grignotant des salades crues et des galettes dures, à l’ombre des murailles mal crépies, ou dans les sentes de maigres vergers. Autour d’eux veillaient d’implacables sentinelles, de sévères geôliers ecclésiastiques. Les saisons des années 791 et 792 se succédèrent sans prêter à leur ironie, d’autres décors, que ceux de la neige, de la verdure, des soleils brûlants et des pluies monotones, sans que leur sort se modifiât, sinon par les conquêtes philosophiques de leurs âmes logiciennes et polémistes.

À Byzance, l’hiver qui suivit leur déconvenue ne fut pas clément pour le peuple. Les familles pauvres grelottèrent sous les appentis. Beaucoup durent creuser la terre gelée, afin de s’y blottir, tant les préservaient peu les parois des masures. Auparavant Irène avait coutume de faire distribuer des vêtements et des fagots par ses moines. Cette fois toutes les offrandes de ce genre furent destinées aux troupes venues d’Asie pour le coup d’État, et qui campaient dans les faubourgs. Une mère, ses quatre enfants furent trouvés morts dans leur bicoque. Tout le quartier Sphorakion