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IRÈNE ET LES EUNUQUES

la bouche ardente, les yeux injectés, elle garda le silence, et n’interdit aucune audace.

— Ô Despoïna, ne parle pas, nous t’en supplions…, répétait Bythométrès… Le courroux le plus juste te possède ; mais il n’est pas bon qu’une mère juge son fils. Ou ta fureur s’égarerait. Ou ta bonté naturelle livrerait l’État à ses pires destructeurs. Favorise-nous de ton silence.

— Favorise-nous de ton silence, nous t’en supplions, maîtresse des Romains !… murmurèrent ensemble ses conseillers.

Elle sut qu’ils voulaient par ce moyen, la soustraire aux conséquences d’une sinistre responsabilité. Eux-mêmes d’ailleurs se gardèrent de préciser un avis. S’étant tus, ils regardèrent Pharès qui s’en fut lentement, le pas mou et la tête basse sous sa capuce de soie violette brodée de palmettes jaunes. À cause de la chaleur, sa robe à plis raides bâillait un peu sur son torse gras à replis, que soutenaient deux jambes osseuses en bottines de toile lacées d’argent. À son passage les fonctionnaires s’écartaient, respectueux de son âge, de sa science peut-être assassine, de son dédain malicieux. Plusieurs eunuques, des esclaves et des gardes le suivaient avec des bâtons blancs, des registres roulés, des piques aiguës à longue hampe. Ils franchirent le pont derrière lui, descendirent un escalier de l’amphithéâtre sous les regards anxieux des spectateurs, parmi les murmures et les quolibets émis avec prudence.