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IRÈNE ET LES EUNUQUES

Léon attendait l’hommage au milieu de ses domestiques à genoux. Papias et Théophane tiraient le manteau dans lequel ils l’avaient prise, et qui fit courber les épaules de l’adolescente, tandis que deux larmes obscurcissaient ses yeux furieux.

Balbutiant la formule du salut, elle se comparait à l’antilope de la mosaïque, proie d’un animal sauvage. Léon la releva de la main, quand elle eut achevé le compliment protocolaire, et il la railla d’être émue pour une si petite chose. Après, il s’en fut, svelte et léger, au milieu d’une escorte de commis, d’officiers, de moines iconoclastes, de veneurs qui l’assaillirent dès la porte, l’accablèrent de bénédictions tumultueuses et de louanges hyperboliques. Il se débattait, riait, appelait celui-ci « loup-cervier », celui-là « ours bulgare » et un troisième « peste Sarrasine ». Mais l’Athénienne s’aperçut qu’il était beau, de superbe humeur, et que la dignité du geste, les sons brefs de sa voix ennoblissaient le vulgaire de ses apostrophes. Une rumeur s’éleva dans le palais, grandit, comme si le monde avait attendu pour vivre que le fils de l’Autocrator apparût.

Frémissante et larmoyante encore, elle laissa les douze filles cubiculaires, sourires et révérences, l’asseoir sur un trône de bronze, la dépouiller de son manteau, lui déployer des robes lourdes, lui présenter le miroir encadré de paons d’or, lui laver les pieds dans un bassin clair, la peigner avec des instruments d’ivoire, et la frotter par tout le corps avec des parfums suaves, des eaux teintes, des poudres sèches.