Page:Adam - Le Serpent noir (1905).djvu/234

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·LE sauveur Nom ` 229 narines embarrassées par une espèce de coryza chro- nique. Dès que je penche ma tête en arriere, j’ai be- , soin d’éternuer violemment. Des mucosités se for- ment dans ma gorge, Pemplissent et n1’ètoui`I`ent. ll jfallait alors me dégager, tousser, trouver mon mou- choir, y cracher en grimaçant. Toutes choses qui me mettaient en ridicule aupres de cette jeunesse in- demne des maux habituels au quadragénaire. Les jeux galants ne me conviennent qu’à distance des repas, le matin principalement, de onze heures à ` midi, lorsque le petit déjeuner est entierement éla- boré par le mécanisme de la chymiflcation. A cette heure—la, mon amie, sous la surveillance de sa maî- tresse, nettoyait les plats et les verres, ou bien or- donnait l’appartement des pensionnaires, vidait les eaux, rinçait les cuvettes, décrassait les peignes, et fourbissait les bouchons métalliques des flacons. Empêchée par son service, elle ne`pouvait me visiter a la seule heure ou sa présence eût pu m’être déli- cieuse. ll y avait donc incompatibilité. Je n’osai plus la gronder : ses yeux rouges et sa mine déconflte avertissaient les tiers de son chagrin e secret. Ils eussent pu dénoncer notre commerce a Mm° Goulven dont je voulais a tout prix capter la confiance. Anne-Marie avait-elle la permission de sortir, elle me donnait rendez—vous dans la lande. Si véritable que fut mon envie de l’éconduire, je craignais tou- jours de la facher irréparablement; et ce n’était pas dans le programme de mes tactiques.Force me fut de jouer, a maintes reprises, mon rôle de séduc- · teur. Je la rejoignais pour entendre, une heure durant, les histoires macabres que la franche Bre-