Page:Adam - Le Serpent noir (1905).djvu/312

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

LE sauveur Nom 307 gare, vers les tables opulentes des capitales. Entre courtiers et patrons d’équipages, il s’échangeait, à la porte des tavernes, des sous, des écus, de l`or. Toute la vie'de cette province grouillait sous la coupole du ciel vague qu’enfumait là-bas le passage de lointains, dinvisibles steamers, geste des négoces internatio- naux. D’instinct, M'" Goulven nous ramena le long des pentes gazonnées, au pied des grands hêtres, vers l’église·interdite que contournait une ruelle- déserte. Elle essaya de pousser une porte latérale de l’édifice. Sa navrance fut telle que sa cousine sourit, la comparant aux saintes femmes désespérées de mettre le Christ au tombeau. -— C’est que, — répondit la Bretonne, — jamais la gloire de Jésus n’a été plus ensevelie dans les ombres quefont les statues colossales du Vice... Elle répéta cette métaphore de sermon pour nous la fixer dans la mémoire. Il nous fut loisible d’imagi- ner que la belle veuve projetait elle-même une de ces ombres néfastes. — Notre curiosité de savoir, notre recherche ina- ladive mais courageuse de toutes les sensations, de toutes les hypothèses, cela vous déplaît donc tant? —- demandai~je à la pieuse femme. _ -— Oui, parce qu’on discrédite ainsi les réalités autrement véritables du_ monde éternel. Alors les sots, boufüs de leur art ou de leur science terrestre, rétrécissent l’univers à la mesure de leurs curiosités passagères et éapricieuses... Le pis, c’es|; que de très nobles natures se laissent séduire. Pourtant la con- ception de Dieu éternel est plus large quela conception de l’humanité brève et souffrante. — En effet! — avouai-je. —Voilà! Vous ètes une