Page:Adam - Le Serpent noir (1905).djvu/56

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absorber, puis devenir sa chair nouvelle et son sang de résurrection. Cela se déchiffrait sur tous les fronts têtus, sur tous les masques naïfs ou cruels, sur toutes les grimaces indélébiles façonnées par les bises âpres et les feux ardents du soleil, par les assauts des pluies obliques. Nulle âme ne se différenciait des âmes.

— Moi-même, — avoua le docteur, — moi-même, j’ai peine à résister. La foi de mes Bretons s’exhale matériellement. quoique invisiblement, d’eux—mêmes, pour me pénétrer, m’enivrer. Curieux phénomène de physiologie biologique! Quels éléments subtils, pareils à ceux des odeurs, s’échappent de tous ces corps, comme les parfums émanent des fleurs, pour transformer soudain mon esprit? L’épidémie de la foi m’atteint, à cette heure. Mes cellules se souviennent d’avoir été transmises en germes par le même sang qui battait dans les veines amoureuses de nos ancêtres communs. Chaque regard d'extase que j’observe me semble exprimer ce que j’éprouve. Mes organes se font plus légers, comme si l’air, tout à coup, recevait une décuple quantité d’oxygène. Mes poumons respirent, mon cœur bat de la même façon allègre que j’ai constatée lors de mes visites aux cimes du Mexique, sur l’0rizaba. Grâce à l'entraînement du laboratoire, je puis analyser cette brusque modification de mon être. Une force se dégage de ces hommes, et se loge dans mes cellules douées, pour elle, d'une réceptivité singulière. Je note cela, point à point. C’est extrêmement curieux.

Sa femme n’observait point, elle. De tout cœur elle se livrait aux influences. Ses yeux rayonnaient si elle achevait un cantique avec les filles du Ploemeur, si