Page:Adam - Le Serpent noir (1905).djvu/58

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` LE SERPENT Nom q 53 '— grésillaient en plein vent; et leur fumée s’engouf- frait dans la coiffe de la cuisinière. La pluie piquait les sauces ensifflant. Des cabarets voisins‘jail·lissaient les rires et les cris de ceux qui fraternisaient devant Peau-de-vie du comptoir. Ils se serraient les mains. Ils se frappaient l’épaule. Ils s’expliquaient en cognant du doigt les rangées de _-boutons métalliques cousus aux broderies des vestes. Devant le seuil, on dételait les chevaux. L’eau dégouttait des crinières et des n queues blondcs. Il surgissait encore de hautes carrioles, pleines de bonnes femmes recroquevillées sous les riilards de coton, et que menaient des gaillards a la blouse ruis- selante. Les mouchoirs à carreaux protégeaient les coiffes d’apparat sur les têtes.d,es flàneuses troussées pour entendre, dans les flaques, la complainte des manchots. A tue-tête, les aveugles proclamaient leur ' infortune, tellement que nous crûmes d’abo1ïd à quel- ques vociférations de querelleurs. Guides par des enfants, ils se plaçaient sous les lueurs éventées des falots atin qu’on lut les inscriptions de leurs pan- cartes. Et leurs plaintes lugubrement hurlées se ma- rièrent aux exclamations de la foule déçue : on appre- nait que la procession aux flambeaux n’aurait pas lieu. Les prêtres ne promèneraient pas la statuc_de La Sainte sous la pluie ni dans la violence du vent marin., M='“° Goulven en fut très marrie quand une femme de Belle—Ile l’eut prévenue. Cependant le nouveau cha- noine chargé de Porganisation avait entrepris une neuvaine. Et §la paysanne suspecta la sainteté de ce dignitaire. Pareil mécompte n‘était jamais advenu du temps de son prédécesseur. Le ciel refusait evidem- ment la grâce. Mm Goulven réprimanda cette médi-