Page:Adam - Le Serpent noir (1905).djvu/83

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bois sculpté et clouté de cuivre, j’assaillis de galants reproches la jeune fille. Elle me semblait agréable et fort représentative de la beauté bretonne, s’il en est une.

— Ma belle enfant, — lui disais-je, affectant un langage assez précieux, — avouez que-vous fûtes pour moi sans bienveillance. Ma physionomie ne vous revenait donc pas ? Avais—je l’air de ces courtiers importuns qui pénètrent, de force, chez les gens pour les contraindre d’acquérir une piece de vin ou une machine à coudre ?... Anne-Marie, que je suis desolé de vous avoir paru d’abord un fâcheux personnage ! Si nous devons passer ensemble, sous ce toit, quelques semaines, ah ! combien il m’eût plu de ne pas vous dégoûter à l’avance !

Anne-Marie restait silencieuse, mais elle souriait, le sang aux joues et les yeux sournois. Il est de règle qu’user de belles façons sert le séducteur aupres des caméristes, tandis que faire le butor le met en excellente posture auprès des mondaines. Je me suis rarement départi d’appliquer cette syntaxe infaillible de la grammaire transmise par les Don Juan. La jeune fille me tenta. Elle arborait la coiffe de Pont-Aven, sorte de diadème fait d’un ruban rose sur lequel se greffent plusieurs brides diverses empesees, recerclées d’une maniere élégante et saugrenue. De l’énorme collerette à plis minuscules se dégageait le brun de la nuque. Parmi·les cheveux chatains frisaient quelques bouclettes d’or. Je la considérai mieux que les deux chambres garnies dans le style breton du xvii° siècle. Les meubles en hêtre massif, patinés à la cire et armés de cuivrures, le balcon sur la rade, ne m’intéressèrent pas autant que la frimousse naïve,