Page:Adam - Mes premières armes littéraires et politiques.djvu/131

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trerons jamais là où je m’efforce de monter au-dessus de l’humanité, au pays des dieux.

— Ce qu’on a le plus à vous reprocher, mon cher Littré, ajouta Dupont-White, c’est que vous raisonnez sur la science comme si elle était à tout jamais fixée ; est-ce que demain la découverte de la parcelle d’une étincelle impalpable ne peut pas culbuter de fond en comble toutes vos classifications ?

— Que vous avez raison, Dupont-White ! dit alors Tribert. J’ai, moi, tant de curiosité d’esprit que j’aime à douter de la science acquise et à ne pas laisser mes espérances à la porte des laboratoires.

— Vous avez tous besoin de fantaisie, d’instabilité, d’inconnu, de rêve, d’infini ; moi, pas du tout, dit Littré. J’ai un esprit positif et rangé.

— C’est pour cela que Taine déjà vous dépasse et vous enfouira, mon cher Littré, dit moitié sérieux Dupont-White. Son esprit à lui est si avide d’évolutions qu’il est à lui-même sa propre opposition. Il croit ne dessiner que des figures géométriques et il crée des entités agissantes. Ce scientifique est un admirable imaginatif ; cet analyste, ce critique, est un afïirmatif. Quand il cherche quoi que ce soit, c’est toujours lui qu’il trouve, lui vivant qui revivifie cent fois ce qu’il a disséqué une seule.

— J’admire Taine, dit Littré. Ah ! qu’il a crânement pourfendu Cousin. Il sait se servir