Page:Adam - Mes premières armes littéraires et politiques.djvu/214

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d’hui, About exaltait les Erckmann-Chatrian, comme il exaltait Sarcey. La camaraderie littéraire était alors active et bien réelle. Il y avait de la joie dans l’accomplissement d’un acte de dévouement à un camarade. Les normaliens s’épaulaient, échangeant, au bénéfice les uns des autres, leurs moyens d’action. L’émulation suscitait bien peu la jalousie basse, l’envie. À tous les degrés de l’art, des lettres, dans tous les groupements du savoir, un reste d’éducation chrétienne apprenait à faire aux autres ce qu’on voulait qu’il vous fût fait, et adoucissait l’âpreté des luttes sociales.

L’esprit anglais d’un Darwin n’avait pas encore tué dans l’âme de nos enfants les générosités de leur race et ils ne croyaient pas alors que la vie se résume dans le seul droit bestial et farouche de la lutte pour l’existence.

Les vieux qui avaient atteint le faîte aidaient les jeunes à gravir les traditionnels degrés franchis par eux. La fraternité avait encore sa valeur. La libre pensée, comme tout droit dont on poursuit la conquête, gardait dans ses réclamations l’idée pure du devoir de solidarité. Une fois le droit conquis, on sait ce qu’elle a fait du devoir.

Les jeunes, confiants dans l’aide d’autrui, conservaient leur belle humeur, ce qu’on appelait de la philosophie, parce qu’ils ne se sentaient pas isolés. Ceux qui ont la folie de parvenir vite, vite, qui courent avec frénésie à la