Page:Adam - Mes premières armes littéraires et politiques.djvu/471

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Les dieux ont répandu sur moi les bienfaits de l’amitié sous toutes ses formes, paternelles et fraternelles. Ma vie a été bénie dans ses affections et j’ai eu rarement la très grande douleur de perte d’amitié.

J’ai pu être séparée d’amis vivants par des opinions, par des idées, je n’ai pas cessé de les aimer.

J’ai sous les yeux l’une de mes lettres à Gaston Paris, datée de juillet 1864. Sainte-Beuve lui conseillait d’entreprendre une revue complète d’une édition de Rabelais. Gaston Paris hésitait. J’étais complètement de l’avis de Sainte-Beuve, je le lui avais écrit, et à nous deux nous insistions.

« Se mesurer avec un tel génie, mon cher ami, lui disais-je, c’est se grandir. Vous vous inquiétez des « vieux savants bégueules », pourquoi ? Acceptez, acceptez ; la fréquentation de Rabelais vous trempera. Relisez Lucrèce, qui m’a tant appris de Rabelais. »

Gaston Paris a été l’un des jeunes de ma génération que j’ai longtemps suivi heure par heure. La vie nous a séparés, elle ne nous a jamais désunis. Je l’aimais comme ami et je l’honorais pour l’honneur qu’il faisait à son pays, car jamais savant n’a poussé plus loin le respect de sa méthode de recherche. Il s’est identifié à tel point à son héros dans son Histoire poétique de Charlemagne, qu’il était parvenu à lui ressembler.