Page:Adam - Souvenirs d’un musicien.djvu/110

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— Allons, monsieur Vincent, nous allons commencer. De quel instrument jouez-vous aujourd’hui ? Tenez, nous avons des débutants parmi les flûtes, allez-moi un pou soutenir ces jeunes gens-là.

Mon compagnon jette un coup d’œil au pupitre où trois jeunes gens étaient armés de leurs instruments. Il empoigne une flûte pendue au mur derrière lui, et soufflant de tous ses poumons comme on ferait dans une clef, il en tire un horrible son de sifflet qu’on aurait entendu du pont Saint-Michel.

— Hein ! quelle belle embouchure ! dit en s’exclamant un des apprentis flûtistes.

M. Vincent sourit d’un air modeste ; et la symphonie commence.

Je ne perds pas des yeux mon huissier, qui encourage ses jeunes compagnons d’un air de protection, dans l’horrible charivari qu’on exécute. Les flûtes ne peuvent parvenir à se faire entendre ; mais, pendant un silence, voilà un malheureux alto en retard d’une mesure, qui se met à exécuter un solo auquel on ne s’attendait pas. Le chef d’orchestre bondit sur sa chaise, tout s’arrête :

— De grâce. Monsieur Vincent, passez donc à la partie d’alto, nous ne pourrons jamais marcher sans cela. M. Vincent ne se le fait pas dire deux fois ; il dépose sa flûte et prend un alto. On recommence, et cette fois rien n’accroche. M. Vincent prend du tabac, se mouche, ou arrange son jabot, pendant les passages du piano ; mais quand arrivent les forte, il racle ses cordes à vide avec fureur, ses compagnons l’imitent,