Page:Adam - Souvenirs d’un musicien.djvu/117

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me mis à écouter de toutes mes oreilles. Les premières mesures de l’ouverture n’allèrent pas trop mal, mais arrive un solo de hautbois, qui débute par un couak des mieux conditionnés. Bon, dis-je, ce n’est qu’un accident qui peut arriver à tout le monde. La clarinette, qui répétait la même phrase, crut apparemment qu’il fallait reproduire exactement comme son confrère le hautbois, et ne manqua pas de faire le même couak, mais prodigieusement embelli, et d’une dimension vraiment disproportionnée ; puis le basson, qui entrait ensuite, nous lâcha des ronflements effrayants, pendant que la flûte roucoulait des turlu-tutu qui n’en finissaient plus.

Les instruments de cuivre voulurent être de la partie ; les cors se mirent donc à corner, les trompettes à trompetter, les trombones à tromboniser, la timballe à rouler, le triangle à sonner, les cymbales à se frotter, mais le tout d’une manière si désespérée, que la grosse caisse, jalouse de ses droits, ne voulut pas rester en arrière d’un si effroyable vacarme, et nous assourdit de ses coups répétés, le tout contre mesure bien entendu et avec une ardeur diabolique. Les violons ne perdaient pas leur temps non plus : les uns faisaient grincer leurs chanterelles dans les tons les plus aigus, les autres raclaient leur quatrième corde avec rage ; les altos jouaient, les uns pizzicato, les autres avec le dos de leurs archets ; les violoncelles faisaient des trémolos effrayants, et les contre-basses faisaient mugir leurs cordes à vide. Un si effroyable charivari me fit lever de ma place. Je jetai un coup