Page:Adam - Souvenirs d’un musicien.djvu/140

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Germain une représentation du Bourgeois-gentil-homme, joué pour la première fois à Chambord, onze ans auparavant, et dont Lully avait fait la musique. Lully était excellent bouffon, et plus d’une fois Molière lui avait dit : Viens, Lully, viens nous faire rire. Il résolut de profiter de cet avantage auprès du roi, qui ne lui connaissait pas ce talent.

Son physique grotesque s’y prêtait à merveille ; il était court de taille, un peu gros, et avait un extérieur généralement négligé ; de petits yeux bordés de rouge, qu’on voyait à peine et qui avaient peine à voir, brillaient cependant d’un feu sombre qui marquait tout ensemble beaucoup d’esprit et de malignité. Un caractère de plaisanterie était répandu sur son visage, et certain air d’inquiétude régnait dans toute sa personne. Enfin sa figure entière respirait la bizarrerie, et au premier aspect, on n’aurait pas manqué de lui rire au nez, si la finesse de son regard n’eût montré sur-le-champ qu’il n’était pas homme à avoir le dernier, et qu’il était bien capable de rire et de faire rire à vos dépens.

Sans en prévenir personne, il résolut de représenter lui-même le personnage du Muphty et d’attirer l’attention du roi par ses bouffonneries. Malheureusement pour lui le roi était de mauvaise humeur ce jour-là, et rien ne pouvait le dérider ; aussi la représentation était-elle d’un froid mortel, les personnages si éminemment comiques de M. et Mme Jourdain et de leur servante Nicolle, la ravissante scène des professeurs du Bourgeois-gentilhomme, rien n’avait pu chasser