Page:Adam - Souvenirs d’un musicien.djvu/146

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— Je sais, dit Mme de Maintenon, que votre position vous met en rapport avec nombre de personnes d’une condition peu sortable, mais le roi n’en est pas moins fort mécontent de vous, et vous aurez beaucoup à faire pour rentrer dans ses bonnes grâces.

Le musicien était anéanti ; il cherchait par quel méfait il avait pu s’attirer ce malheur ; d’un mot, le roi qui lui avait tout donné pouvait tout lui retirer, et ce coup imprévu parut l’accabler. Mme de Maintenon l’ayant amené au point où elle voulait :

— Maintenant, continua-t-elle, je puis vous donner un moyen de rentrer en faveur. Dans huit jours il faut ici qu’on ait un opéra nouveau, donnez-nous celui dont le roi vous a chargé, et je ne doute pas qu’à cette occasion vous ne trouviez le moyen de rentrer en grâce.

— Dans huit jours, mon Armide ! s’écria le musicien, oh ! Madame, c’est impossible, il me reste tout un acte à faire, et Quinault n’en finit pas pour les changements que je lui demande.

— Vous le ferez plus vite que les autres et tout peut être prêt : ou bien donnez-nous seulement ce qu’il y a de fait, reprit Mme de Maintenon impatientée.

— Moi, mutiler un chef-d’œuvre, le donner pièce à pièce ! s’écria le musicien désolé. Oh ! non, Madame, Sa Majesté se fâchera tant qu’elle voudra, mais avant un mois, je ne puis espérer de donner mon Armide… C’est que vous ne savez pas, Madame, que je n’ai jamais rien fait de plus beau, qu’il y aura là dedans…

— Eh ! bien donc, Monsieur, n’en parlons plus :