Page:Adam - Souvenirs d’un musicien.djvu/169

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

loges et de la galerie, parce qu’il est ce qu’on est convenu d’appeler un bon enfant.

Être un bon enfant peut se traduire ainsi pour un acteur de province : c’est d’abord se lier facilement avec les jeunes gens de la ville, savoir force anecdotes et calembours, ne jamais se faire prier pour les raconter ni pour accepter un petit verre de quelque part qu’il vienne, et le rendre à l’occasion ; être fort au billard et aux dominos, et cependant se laisser quelquefois gagner ; être de toutes les parties de garçon, si c’est dans une province éloignée, parler le patois du pays, traiter de bégueules et de chipies les actrices qui se conduisent convenablement, gratifier d’une épithète un peu moins sucrée, celles qui agissent différemment ; tenir ses connaissances au courant de toutes les nouvelles, de toutes les intrigues du théâtre, et se laisser tutoyer par le plus de monde possible : il n’est pas mauvais non plus d’être un peu crâne et de savoir bien tirer l’épée. Avec cela, un acteur devient quelquefois, en peu de temps, l’idole du parterre et l’effroi de son directeur : les habitués des loges finissent par s’accoutumer à lui, et bientôt il devient un meuble attaché au théâtre, et imposé à toutes les directions qui se succèdent : il est toujours choyé et fêté par ses camarades, car il ne fait pas bon l’avoir pour ennemi : c’est le joli cœur de la troupe, l’enfant chéri du parterre, et tout lui est permis dans les circonstances difficiles et malheureusement trop fréquentes en province, où la direction se trouvant en contact avec le public, souvent les régis-