Page:Adam - Souvenirs d’un musicien.djvu/189

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tait servi, et malheureusement des affaires de famille me tenaient éloigné de Londres où l’on vendait ses violons après sa mort ; j’appris beaucoup trop tard l’époque de cette vente ; je crevai plusieurs chevaux, et j’arrivai au moment où l’on venait d’adjuger le dernier de ses instruments à un amateur qui l’emportait en triomphe. Je lui offris vainement le double du prix qu’il l’avait payé, il ne voulut jamais me le céder, et il eut même l’impolitesse de se moquer de moi. Écoutez, me dit-il, il y a encore un violon plus extraordinaire que tous ceux que l’on a vendus, et qui n’a pas même été mis en vente, vous pourrez l’avoir facilement. Et en me disant ces mots, il me montra du doigt un objet bizarre que je n’avais pas encore remarqué : c’était un violon en fer-blanc ! Comprenez-vous cela ? en fer-blanc ! Je tenais à avoir un des instruments de Viotti, et je me fis adjuger celui-là pour quelques shellings, au rire de tous les assistants. Mon antagoniste, fier de son beau violon, me dit alors :

— L’existence de ce bizarre instrument au milieu de cette riche collection doit avoir une cause étrange, et je serais si curieux de la connaître que je donnerais volontiers le violon que je viens d’acheter pour avoir le mot de cette énigme.

— Soit, repris-je vivement, concluons un arrangement : vous me céderez votre violon quand je vous apprendrai l’origine du mien ; j’irai voyager partout où a été Viotti, je prendrai tous les renseignements possibles, et peut-être serai-je assez heureux pour découvrir ce mystère, et vous gagner votre violon.