Page:Adam - Souvenirs d’un musicien.djvu/216

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un passage enharmonique qui leur donnera bien de la tablature.

— Soyez tranquille, répondit Rameau, ils en viendront à bout avec du temps et de la patience. Rappelez-vous que quand Lully voulut écrire son premier opéra, il n’y avait à Paris que douze violons. Un an après, la bande des vingt-quatre existait, et nous avons fait de bien grands progrès depuis ce temps-là. Soyez tranquille, vous dis-je, tout cela s’exécutera, je m’en charge.

Le lendemain, M. de la Poplinière envoya chercher la partition pour la faire copier. Rameau ne livra que le prologue et le premier acte, pensant que cela suffirait pour l’audition. Pendant les huit jours employés à la copie des parties, il courut chez les principaux chanteurs, pour leur faire essayer ses morceaux, car pour être reçu à l’Opéra, il n’était pas besoin alors d’être grand musicien, ni même de savoir chanter : il suffisait d’avoir ce qu’on appelait une grande voix. Les ressources de la voix de tête, et de la voix mixte, étaient tout à fait inconnues, et les notes les plus élevées s’exécutaient toujours à plein gosier. Aussi dut-il seriner ses airs aux chanteurs qui ne savaient pas lire la musique.

— Cependant on devait un terme à M. Bazin et quelle qu’eût été son admiration pour la musique de son locataire, il venait de temps en temps lui rappeler sa dette ; toutes ses démonstrations ne le convainquaient que fort peu.

— Comment se fait-il, mon voisin, lui disait-il,