Page:Adam - Souvenirs d’un musicien.djvu/230

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mille francs de revenu, année commune ; lorsqu’ils sont jeunes, ambitieux, et se sentent quelques dispositions, alors ils économisent de quoi acheter une garde-robe, et se lancent en province, d’où ils nous reviennent quelquefois avec un talent digne de nos premiers théâtres. Tel fut un de nos meilleurs ténors dont je vous ai déjà raconté une aventure, lorsqu’il fît ses premiers pas dans la carrière qu’il a depuis parcourue avec tant de succès[1]. C’est encore le héros de l’historiette que je veux vous raconter.

C’était dans les premières années de la Restauration. Louis XVIII n’était pas dévot, mais il croyait de sa politique de le paraître, et voulant donner un exemple édifiant à ses fidèles sujets et complaire à son entourage de cour, qui lui persuadait que ce n’était que par la religion qu’il parviendrait à abattre l’hydre révolutionnaire, il résolut de donner un grand spectacle d’humilité chrétienne, en allant solennellement faire ses pâques à sa paroisse, en l’église Saint-Germain-l’Auxerrois. C’était par une belle matinée d’avril, et dès le matin les troupes étaient sur pieds pour former la haie dans le court espace qui sépare le palais des Tuileries de l’antique église. Une foule immense remplissait les cours du Carrousel et la façade du Louvre où ont reposé pendant dix ans les victimes de Juillet, en compagnie d’un factionnaire, de deux ou trois bonnes d’enfants et de quelques caniches.

Le roi était dans une immense calèche découverte

  1. Un début en province.