Page:Adam - Souvenirs d’un musicien.djvu/234

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— Oui, Berry, allez, mais que cela n’ait pas l’air de venir de moi.

Le duc de Berry s’approchant d’un officier des gardes du corps, lui dit quelques mots à l’oreille. Dès ce moment Louis XVIII eut l’air de prêter une plus grande attention au discours ; le curé enchanté arrondissait ses périodes et donnait cours à sa verbeuse éloquence, quand tout d’un coup sa voix est couverte par les boum boum de la grosse caisse, et les mugissements des ophicléides et des trombones. La musique venait d’entonner l’air de Vive le roi, vive la France ; les acclamations s’élèvent de toutes parts, le bruit des cloches sonnées à grande volée vient s’y mêler. C’est un brouhaha universel, ceux qui entourent le roi se regardent d’un air ébahi ; le curé reste la bouche béante, confondu de cette interruption inattendue. Louis XVIII paraît impassible, mais un sourire imperceptible remercie le duc de Berry du service qu’il vient de lui rendre. Il fait un pas en avant, le clergé le précède, toute la cour le suit, et bientôt il se trouve commodément assis dans un des fauteuils dorés disposés à l’entrée du chœur pour la famille royale. Le peuple n’est admis que dans les bas-côtés, tandis que la nef est remplie de la suite du Roi, entouré lui-même de ses plus fidèles serviteurs, qui par derrière semblent lui faire un rempart de leurs corps, mais personne n’est placé devant lui.

Cependant l’office commence : il peut durer autant que l’on voudra. Louis XVIII est comme cloué dans son fauteuil, plusieurs coussins sont disposés devant