Page:Adam - Souvenirs d’un musicien.djvu/248

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toujours bien accueillir, jusqu’à ce que ses mœurs le fissent chasser ; mais cela ne l’embarrassait guère.

Un musicien pouvait alors voyager presque sans un sol, en prenant pour étapes les nombreuses maîtrises, où il était toujours sûr d’être hébergé, fêté et même payé si l’on mettait son talent à contribution, ce qui arrivait souvent ; car un chanteur étranger était accueilli dans une chapelle de cathédrale, comme l’est aujourd’hui un acteur en tournée dans un théâtre de province : cela s’appelait vicarier. Ces mœurs musicales sont aujourd’hui tout à fait inconnues ; mais il n’est pas mauvais que les musiciens se les rappellent de temps en temps, ne fût-ce que pour ne pas devenir trop fiers, et pour se souvenir qu’ils ne sont pas encore trop loin de leur bohème native.

Une existence si attrayante ne pouvait manquer de séduire Rousseau ; il oubliait seulement qu’il ne lui manquait, pour être musicien, que de savoir la musique. Cet obstacle ne l’arrêta pas un instant. Il alla se loger chez un nommé Perrotet, qui avait des pensionnaires. Il avoua qu’il n’avait pas le sou ; mais il raconta qu’il se nommait Vaussore de Villeneuve ; qu’il était musicien, et qu’il arrivait de Paris pour enseigner son art dans la ville. L’hôtelier le prit sur sa bonne mine et lui promit de parler de lui. Jean-Jacques fut effectivement, et sur sa recommandation, admis chez un M. de Treytorens, grand amateur de musique. Mais comme Rousseau ne savait ni chanter ni jouer d’aucun instrument, il se tira de la difficulté en se disant compositeur : et comme on lui demandait un